Un été italien, par Quelques complices sans patrie
janvier 2005, 32 pages

Textes et actions de solidarité

L’ennemi intérieur

Le climat de guerre envahit toute la vie sociale. La "menace terroriste" remplit les pages des journaux et les écrans de la télévision. Sous la canicule estivale, le gouvernement serre les mailles d'un front intérieur qui n'admet pas d'anicroche. Ainsi, du nord au sud de l'Italie, l'appareil répressif de l'Etat se déchaîne, perquisitionnant et emprisonnant des dizaines de compagnons. Certains –en Sardaigne– sont accusés d'avoir incendié le siège de Forza Italia ; d'autres –à Gênes et Lecce– sont accusés d' "être intervenus" lors d'une des rafles quotidiennes contre les immigrés ou d'avoir appuyé la révolte et la fuite d'un centre de rétention ; d'autres encore –à Rovereto– ont été arrêtés pour avoir réagi à une agression fasciste il y a deux ans. Enfin, chronologiquement, deux enquêtes –l'une entre Rome et Viterbo, l'autre à Pise et alentours– ont envoyé en prison ou en résidence surveillée plusieurs compagnons pour association subversive à but terroriste. Certains d'entre eux, en prison, mènent actuellement une grève de la faim qui leur a déjà fait perdre environ 10 kg.
L'Etat, depuis toujours, réprime sans atermoiements ceux qui sont ses ennemis déclarés, ce n'est certainement pas une nouveauté dont on peut être surpris ou scandalisé. Aujourd'hui cependant, l'acharnement policier, accompagné d'un bombardement médiatique à la limite de la paranoïa, témoigne d'une situation sociale toujours plus explosive où pèse la menace du mécontentement et du désespoir. Situation à laquelle l'Etat répond préventivement en attaquant tous ceux qui ne sont pas conformes. Les "attentions" de la police, en fait, ne concernent plus exclusivement les "subversifs de service" mais quiconque en vient, même accidentellement, à heurter les impératifs de la marchandise. Des matraquages des ouvriers en grève aux réquisitions des conducteurs de bus, des internements et déportations des immigrés aux plaintes contre ceux qui luttent pour défendre leur santé contre les poisons industriels, des expulsions de maisons et de camps de nomades au contrôle technologique et militaire des quartiers, villages, stades et villes, tout prend, de façon toujours moins rhétorique, l'allure de front intérieur d'un pays en guerre.

Une organisation sociale qui ne sait produire que des catastrophes, des épidémies, des guerres, la peur, la précarité et le désespoir, sait aussi qu'elle doit se défendre contre la rage en retour. Quand on veut serrer la vis, on trouve des lois, on les invente ou on les ignore, comme l'a candidement déclaré le ministre de l'intérieur Pisanu au sujet de la répression contre les anarchistes. Lorsque les conditions pour encadrer les pratiques de révoltes qui échappent aux canons du code pénal font défaut, cela n'empêche pas de donner des années de prison, en bonne concorde avec les belles âmes démocrates et garantistes. Epouvanter, isoler et pratiquer la terre brûlée autour de ceux qui ne se soumettent pas, peut-être afin de convaincre certains de "se repentir", est devenue la manière de s'opposer à une rébellion, en acte ou potentielle, qui risque de devenir contagieuse.

Le moment est alors venu pour tous les ennemis intérieurs de prendre conscience d'eux-mêmes, de cultiver la colère que génère ce quotidien toujours plus invivable, pour la déverser contre la domination. Rompre l'isolement entre les luttes, dépasser les séparations, faire de la solidarité une arme, promouvoir l'autonomie et l'action directe. L'unique défense possible face à la répression est celle-là, une défense qui est déjà une réponse, une réponse qui est déjà une attaque. Qui sème la misère récolte la colère.

Quelques ennemis de l'intérieur
Août 2004

 

[Traduction d'une affiche turinoise publiée le 10 août 2004 sur anarcotico.net]