Un été italien, par Quelques complices sans patrie
janvier 2005, 32 pages

Rovereto, 20 juillet

L’inquisition démocratique

La nature et les modalités de notre arrestation et incarcération nous semblent mériter quelques réflexions.

Comme il est apparu à l'audience du tribunal de réexamen mardi 27 juillet, le motif pour lequel, tout en étant à l'isolement, nous étions à deux par cellule et avions la télévision est plus que simple : ils y avaient caché un micro et une caméra miniature. Le procureur Storari, épaulé lors du procès par son collègue Dragone et par le chef de la Digos, cherchait ainsi maladroitement à trouver quelques preuves pour nous garder en prison. Qu'est-ce que ça veut dire ? Cela veut dire qu'ils nous ont jeté en prison uniquement afin d'acquérir les éléments pour nous y faire rester.

Ce dont nous sommes accusés n'est donc pas un fait précis –sur lequel, en plus d'être fausses, les déclarations des fascistes sont piteusement contradictoires–, mais plutôt notre individualité d'anarchistes. En fait, le réquisitoire du procureur a été typiquement celui des procès pour "association subversive" : rapports de police, matériel de propagande saisi, condamnations précédentes, réunions publiques, etc. Il s'agissait de créer une certaine image de nous pour obtenir l'effet suivant : « Nous ne savons pas ce qu'ont fait ces anarchistes, mais ils sont dangereux ».

Pour autant, l'Etat ne nous enferme pas en prison parce que nous sommes anarchistes –comme il aurait été au fond plus "honnête" ou clair de le faire. Il nous incarcère pour un fait dont il n'a pas de preuve, et utilise le fait que nous soyons anarchistes comme confirmation de notre dangerosité. C'est, au sens strict, une situation orwellienne : Big Brother espionne comment nous réagissons à l'information de la mort d'un carabinier (aucun de nous n'a pleuré, nous l'admettons) afin de chercher à démontrer ainsi que nous aurions tabassé… des fascistes il y a deux ans. Pas mal.

Ajoutons un autre élément, odieux mais pas surprenant : il résulte clairement des dépositions des fascistes, fausses et infâmes, qu'ils ont été conseillés par la Digos et les Ros. Malgré tout cela, la manœuvre fait eau de toute part. Prenant un exemple qui relève de la logique jésuitique la plus finaude, le procureur explique que les contradictions dans les dépositions ne font rien que confirmer leur authenticité (on a déjà entendu cela dans la bouche d'un certain juge Marini…). Se rendant ensuite compte que les écoutes ne leur servent à rien, ils opèrent un nouveau virage : les personnes arrêtées sont tellement dangereuses qu'elles se méfient toujours de la parole et utilisent plutôt de petits billets sur lesquels elles écrivent. Les agents de la répression ne savent pas sur quel pied danser. Ils ont besoin d'arranger les choses. Le même verdict prononcé par le tribunal de réexamen qui nous a fait sortir de prison tente en même temps d'avaliser –avec de grosses contradictions– le cadre accusatoire basé sur la parole des fascistes et des Ros.

En somme, le climat est décidément inquisitorial, comme le confirment les arrestations continues d'anarchistes et de révolutionnaires dans toute l'Italie. De toute façon, vu la piètre figure qu'ont faite le procureur et compagnie, et avec la solidarité constante des compagnons et amis, nous en sortons plus forts. Parce que notre force est d'une toute autre nature, on ne peut ni la séquestrer ni l'espionner avec les caméras de surveillance.

Les arrêtés

[Tract qui a circulé à Rovereto le 2 août 2004]