" Recueil de textes argentins (2001-2003)"
éd. Mutines Séditions, 48 p., novembre 2003


Salta est le nom d'une ville et d'une province qui se trouvent au nord de l'Argentine, près de la frontière bolivienne. Cette région très pauvre a connu de nombreuses révoltes populaires et, en juin 2001, deux piqueteros ont été tués dans un affrontement avec la gendarmerie.
Fin août 2001, sans que le Congrès argentin ait été consulté et la population informée, Salta a été le terrain de manœuvres militaires conjointes regroupant 1300 soldats de 9 pays latino-américains. Cet exercice, Cabanas 2001, a été parrainé et financé par les Etats-Unis dans le cadre du projet de constitution d'un groupe d'intervention régional destiné à régler les crises et les problèmes “d'instabilité”.
L'Argentine est depuis longtemps un allié privilégié des Etats-Unis hors OTAN (elle a entre autre envoyé ses marins dans le Golfe en 1991) et participe notamment au volet militaire du Plan Colombie. Enfin, la coopération entre les différents pays participant au TIAR (Traité Interaméricain d'Assistance Réciproque, 1947) prend une tournure nettement antiterroriste, les ennemis étant les narcotraficants et tous ceux qui menacent “la démocratie institutionnelle”. A titre d’illustration, l’exercice Aguila III prévu le 8 octobre 2003 se déroulera dans les provinces de Mendoza et San Luis. Sous commandement américain, il devrait rassembler 80 avions de combat, plus de 200 véhicules d’appui terrestre et 1 200 militaires au sol. Le thème de l’exercice est d’anéantir des “commandos de rebelles”...


Justement à Salta !


Les forces armées ont pu se montrer une fois de plus impunément à la vue de tous. Elles sont cette fois intervenues dans les rues de la rebelle et aujourd'hui militarisée province de Salta. Les sbires en vert, bras armés du système génocidaire, ont reçu le 28 août leurs collègues de différents Etats, précisément dans cette province. Car c'est justement là que s'est ouverte une brèche et qu'existe un antagonisme qu'ils ont déjà essayé de réduire à maintes reprises. Le peuple qui sortait dans les rues s'est retrouvé à chaque fois face à la police ; puis, comme cela ne suffisait pas et qu'elle était dépassée par les événements, on a fait appel à la gendarmerie. Mais celle-ci n'est pas davantage parvenue à refermer la brèche que les opprimés en lutte avaient ouverte dans le système.

C'est justement à Salta qu'ils ont organisé la parade. A l'heure de la sieste, on a vu défiler ces criminels dans les rues. Les représentants du militarisme le plus pur ont pu se frotter les mains et ont donc discuté des conflits internes à l'Amérique Latine et de la manière dont les armées, en s'unissant sous la bannière étoilée, pourraient s'entraider pour combattre l'ennemi irréductible : le peuple opprimé
en lutte.

Fut un temps, c'étaient les Prussiens, maîtres en art militaire, qui influaient sur les cerveaux vides de nos répresseurs locaux ; les Yankees ont aujourd’hui pris le relais. Mais au-delà des différences, le fond reste le même : il s'agit de terrorisme d'Etat, car chaque Etat trouve sa justification dans la brutalité et l'obéissance.

“Qui donc a autorisé la venue de ces troupes étrangères ?” s'interrogent les “progressistes” désorientés qui, inconsciemment ou non, font la distinction entre forces armées nationales et étrangères. Pour nous, il n'y a aucune différence. Il y a occupation dès lors qu'un pouvoir administre et régule selon son bon plaisir et dans son propre intérêt la vie des habitants. Les forces armées des Etats-Unis sont sans doute plus puissantes, c'est l'empire. Mais les forces armées de n'importe quel Etat relèvent aussi de l'empire du point de vue de ceux quelles oppriment.

Le système est ainsi fait : il repose sur un pilonnement permanent, répressif et légal. Défendre l'Etat, c'est défendre le pouvoir et donc être complice du génocide permanent auquel nous soumettent ces sociétés juridiques qui prennent le nom d'Etat national, prolétarien ou populaire. Ils restent des Etats…

C'est contre la militarisation de la société que nous appelons à lutter. “Pas un seul homme ni une seule arme pour l'Etat !”. Donnons-nous nos propres règles de vie en commun pour extirper le principe d'autorité qui gère la politique de cette société et libérons-nous de cette croyance en l'Etat, “organisateur” de nos vies opprimées. Aucun pouvoir n'est invulnérable pour le peuple conscient [sic]. Un salut solidaire et courage au peuple de Salta !

SALUT ET ANARCHIE !

Sociedad de Resistencia, octobre-novembre 2001