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Recueil de textes argentins (2001-2003)"
éd. Mutines Séditions, 48 p., novembre 2003
Introduction
Après un séjour de quelques mois en Argentine (fin
2002-début 2003), j'ai eu envie de publier un recueil de
textes traduits de différentes publications anarchistes
essentiellement porteñas1 (il ne sera que peu question
des mouvements de chômeurs ou de paysans des provinces du
Nord et seule une annexe est consacrée à la Patagonie).
Par la suite, il m'a paru nécessaire de faire précéder
ces textes d'une introduction. Celle-ci n'a pour objet ni de retracer
l'histoire, ni de brosser un tableau exhaustif de l'Argentine,
mais plutôt de replacer les écrits traduits en contexte,
tout en dressant un bilan de la situation près de deux
ans après les émeutes de 2001.
On a donné aux journées insurrectionnelles de décembre 2001 le nom d' argentinazo. Cette dénomination les place dans la lignée des émeutes qui ont agité différentes villes et provinces d'Argentine à intervalles réguliers au cours des cinquante dernières années2, tout en en soulignant l'ampleur particulière. En effet, l'explosion a touché cette fois l'ensemble du territoire argentin (même si les émeutes se sont surtout concentrées dans les provinces les plus pauvres et les centres urbains, dont Buenos Aires), a provoqué la spectaculaire fuite en hélicoptère du président De La Rua et la chute de plusieurs gouvernements successifs. Cependant, des pratiques comme celle des barrages routiers étaient déjà très courantes et la révolte s'était souvent traduite par des pillages de supermarchés ou la mise à sac d'édifices publics. L'attaque du Congrès à Buenos Aires a ainsi pu rappeler l'incendie du palais gouvernemental de Santiago Del Estero en 1993 ou encore la destruction de bâtiments officiels lors des émeutes de Gral Mosconi en 1999 et 2000. En 2001, cest le caractère à la fois spontané, massif, simultané et généralisé qui est apparu comme inédit.
Dans un contexte de misère croissante, avec la hausse du chômage (sans système national d'assurance et d'indemnisation), la baisse des salaires, l'augmentation du coût de la vie (la dévaluation s'accompagnant d'une très forte inflation) et une énorme crise du logement comme en témoigne le développement accéléré des villas miserias3 , la rage des plus pauvres a, comme souvent, commencé à s'exprimer par des émeutes de la faim. Les pillages de camions et de supermarchés (et parfois de distributeurs de billets) se sont d'abord multipliés dans les villes de province pour ensuite gagner la banlieue, puis le centre de la capitale4. On a à ce propos évoqué le rôle trouble qu'auraient joué les péronistes du Parti Justicialiste en manipulant la colère populaire afin de faire tomber De La Rua5. Mais si les hommes de main du PJ et la police de Buenos Aires (notoirement à la solde des péronistes) ont attisé l'agitation dans certains quartiers et tenté d'orienter les pillages, tous se sont manifestement très vite fait déborder et se sont montrés incapables de contenir émeutes et pillages. Cette dernière pratique s'est en effet rapidement étendue à tous types de biens et d'établissements (supermarchés, petits commerces, pharmacies ) pour parfois dépasser le simple cadre de l'appropriation et aboutir à la destruction : McDonalds et banques incendiées, compagnies d'électricité saccagées d'où furent sortis mobilier et ordinateurs pour être brûlés. La ville de Buenos Aires en porte encore les traces : rares sont les façades de banques intactes et les magasins sans surveillance armée.
La participation
de la classe moyenne à ces émeutes a par contre
eu de quoi surprendre. Alors qu'elle avait fait preuve de franche
hostilité ou, dans le meilleur des cas, d'indifférence
à l'égard des actions des piqueteros qui affrontèrent
souvent seuls la répression, on l'a vue en décembre
2001 les rejoindre dans la rue et laisser faire, voire approuver
des actes qu'elle aurait d'ordinaire fermement condamnés
et tenté d'empêcher par tous les moyens.
La classe moyenne s'est développée très tôt
en Argentine, essentiellement dans les centres urbains avec la
multiplication à la fois des emplois de bureau et des petitEs
commerçantEs en plus des bureaucrates dEtat. Dès
le début du vingtième siècle, son intégration
politique sest manifestée par son adhésion
à lidéologie de la bourgeoisie libérale
incarnée par le Parti Radical. Plus récemment, elle
a connu un fort essor au cours de l'ère Menem (1989-1999),
où elle a été l'objet de toutes les attentions
des gouvernements successifs dont elle soutenait la politique
et a adopté le mode de vie caractéristique de la
plata dulce (l'argent facile), tout en en défendant les
valeurs correspondantes (comme léloge de la finance
et du chacun pour soi). Cela a encore renforcé son rôle
d'habituel rempart contre les classes dangereuses6. Pourtant,
cette classe moyenne n'a pas échappé au processus
de paupérisation de ces dernières années
et son niveau de vie a été attaqué de toutes
parts. Les mesures prises par le ministre de l'économie
Domingo Cavallo en 2001 ont été la goutte qui a
fait déborder le vase : le corralito (gel des comptes bancaires
limitant les retraits en liquide) s'est accompagné d'une
hausse considérable des commissions sur les cartes bancaires
et la fin de la parité peso/dollar a entraîné
une dévaluation considérable de l'épargne.
La colère des classes moyennes a été à
la mesure de ces attaques contre leurs intérêts.
On a alors vu de tranquilles employéEs de bureau projeter
d'assassiner le président et son sinistre ministre de l'économie,
et entendu les employEs d'Aerolineas Argentinas7 menacer sérieusement
de faire sauter le siège social de la compagnie pour empêcher
la privatisation. Enfin, le Président De La Rua a mis le
feu aux poudres en proclamant l'état de siège, ravivant
ainsi le terrible souvenir de la dictature militaire. Des milliers
de personnes ont afflué dans les rues aux cris de Que
boludos ! El estado de sitio que se le meten al culo ! Que se
vayan todos ! 8.
Cette situation,
explosive jusqu'en février 2002, a suscité l'enthousiasme
de l'extrême gauche. En Argentine, les mêmes partis
qui avaient brillé par leur absence au cours des journées
insurrectionnelles ont fait leur réapparition, exaltant
la réaction du peuple argentin tandis quon
a vu refleurir en Europe textes et bouquins recommandant une attention
renouvelée à l'égard de l'Amérique
Latine et de ces nouveaux sujets révolutionnaires
(il est vrai que l'engouement pour le Chiapas est un peu passé
de mode). De manière générale, la crise
argentine a été l'occasion de resservir l'éternelle
soupe critique du modèle néolibéral et l'habituel
discours anti-FMI.
Le bilan, plus d'un an après, n'avait pourtant rien de
bien réjouissant. La célébration de l'anniversaire
de l'argentinazo en décembre 2002 est plutôt venu
entériner l'enterrement de la lutte que sa poursuite. Bien
loin des manifestations spontanées de 2001, cette commémoration
a été parfaitement organisée par tout ce
que l'Argentine compte de syndicats, de partis de gauche, d'organisations
et formations droit-de-l'hommistes, citoyennistes et humanitaires.
On a donc célébré l'événement
dans une ambiance d'écurant consensus sur fond de
campagne anti-violence. Tout a débuté le 18 décembre
par une Journée contre la violence, la faim et pour
la paix supposée contrecarrer la campagne de terreur
orchestrée par le gouvernement et démontrer la volonté
et la capacité des manifestants à s'exprimer pacifiquement.
Appelée à la fois par les représentants des
différents cultes (catholique, protestant, juif et musulman)
et par diverses ONG et syndicats, cette journée a été
largement relayée dans les médias et les quartiers
(plus de 50 cérémonies officielles ont eu lieu à
travers le pays et un hymne a spécialement été
créé et interprété par le chanteur
Jairo).
Les appels au calme se sont multipliés. Dans le journal
Pagina 12 du 19 décembre, on pouvait par exemple lire :
je ne veux ni de veuves de piqueteros, ni de veuves de policiers,
Luis Moreno Ocampo (dirigeant du Poder Ciudano, Pouvoir Citoyen)
; il n'y a aucune raison d'avoir peur car nous appelons
tous avec l'intention de mener une activité pacifique,
Carla Moglio (membre de Red Solidaria, Réseau solidaire)
; il faut récupérer la paix par une mobilisation
organisée, par les dirigeants de la CTA comme Victor
de Gennaro ou nous allons manifester de manière organisée
et le gouvernement devrait veiller à ce qu'il ne se passe
rien par ceux des CCC comme Amancay Ardura. On a même
publié le témoignage d'une femme qui avait refusé
de participer à un pillage sous prétexte que la
faim ne justifie rien, rien ne justifie la violence. Et,
de fait, il ne s'est rien passé, rien d'offensif en tous
cas.
Le 19 décembre, diverses organisations piqueteras, assemblées
et formations d'extrême-gauche avaient prévu un piquet
urbain destiné à bloquer le centre financier
de Buenos Aires. Bien entendu, il s'est déroulé
sous haute surveillance policière (les keufs ayant manifestement
eux aussi reçu des consignes de calme) et de
manière fort symbolique : barrage de rue prédéfini,
tâches assignées aux différentEs participantEs.
Seuls quelques bombages, pneus brûlés et jets d'ufs
ont rappelé la colère latente contre les banques
et les forces de l'ordre. Le soir, les Mères de la Place
de Mai, la CTA, le CCC, Barrios de Pie, les assemblées
et le Forum Social Mondial ont organisé conjointement une
occupation de la place de Mai qui s'est résumée
à des activités culturelles : concerts, projections
et expos photos.
Enfin, le 20 décembre s'est déroulée la grande
manifestation organisée par le Bloc Piquetero National9,
les formations Barrios de Pie et le MIJD sous le mot d'ordre qu'ils
s'en aillent tous, pour un autre argentinazo et pour un gouvernement
du peuple !. Elle rassemblait l'ensemble des syndicats (la
CTA avait toutefois promis d'assurer un service minimum dans les
secteurs essentiels de la santé et
de la justice),
des partis, des assemblées et des organisations piqueteras,
à l'exception des mouvements MTD Anibal Veron, Quebracho
et Martin Fierro qui avaient prévu leur propre point de
départ et annoncé d'emblée leur refus de
participer à une quelconque célébration
partisane ou avec des orateurs, car personne n'est maître
de la Place de Mai, ni du 20 décembre. Hormis l'omniprésence
des flics, des journaleux et des vidéastes amateurs occupés
à accomplir leur devoir citoyen, le ton était donné
avec l'encadrement serré des cortèges par des services
d'ordre qui veillaient à ce qu'aucun élément
extérieur ne vienne s'infiltrer et semer le désordre.
L'arrivée à la place de Mai s'est donc effectuée
en parfait ordre de marche, sans aucun risque de dérapage
ou de perte de contrôle, ce qui contrastait fortement avec
les slogans pseudo-combattifs scandés à l'unisson.
La grand-messe s'est déroulée tranquillement, à
la grande satisfaction du gouvernement10 et des organisateurs.
Raul Castells, dirigeant du MIJD, et Luis D'Elia, celui de la
FTV, s'en sont aussitôt félicités : il
faut souligner le caractère unitaire, massif et pacifique
de la manifestation et la première chose à
dire, c'est que ces journées de protestation du jeudi et
du vendredi ont été très positives. Les différentes
mobilisations nous ont permis d'occuper la place durant deux jours
sans le moindre incident (
) (Pagina 12, 22 décembre
2002).
Face à
ce triste constat, nous ne partageons absolument pas les analyses
trotskistes selon lesquelles la situation explosive post-décembre
2001 n'aurait pas donné lieu à un processus
révolutionnaire faute de centralisation ou d'un mouvement
unitaire doté d'une volonté politique
homogène. Les partis, syndicats et organisations
de gauche et d'extrême-gauche ont parfaitement joué
leur rôle en s'empressant d'investir assemblées,
mouvements piqueteros et groupes de soutien aux usines occupées
pour leur donner une direction politique et uvrer à
la création du fameux front commun des luttes.
Et, quils participent aux congrès nationaux piqueteros
ayant pour but d'unifier les revendications et les modes d'action11,
ou quils organisent conférences, meetings et manifs
rassemblant différents secteurs en lutte, ils ont effectivement
manifesté leur volonté hégémonique.
Cet encadrement gauchiste des luttes, loin de les développer,
a bien sûr contribué à leur étouffement.
Si le lien établi par l'extrême-gauche entre différents
mouvements a parfois donné lieu à quelques actions
concrètes comme la tenue de piquets communs ou la défense
d'usines occupées, on a surtout vu les diverses aspirations
se diluer dans des revendications politiques générales
(comme celle appelant à la tenue d'une assemblée
constituante souveraine), minimalistes, essentiellement anti-impérialistes
et souvent teintées de nationalisme12. Les manifestations
contre l'ALCA13 et le FMI se sont ainsi multipliées, relayées
à la fois par les organisations piqueteras, les assemblées
de quartier, les journaux des usines occupées et quantité
d'autres associations. La dernière Marche de résistance
des Mères de la Place de Mai (groupe de Hebe de Bonafini)
avait par exemple pour mot d'ordre principal le non-paiement
de la dette extérieure. Parallèlement à
cela, émergent la notion fourre-tout et intégrationiste
d'alternative économique et les prémisses d'un mouvement
alterglobalisation qui s'incarne notamment dans ATTAC Argentine,
coorganisateur en août 2003 d'un forum social
à Buenos Aires (après que des piqueter@s aient été
envoyés à Porto Alegre parfaire leur éducation
antimondialiste).
Mais cette évolution n'est pourtant pas à mettre
sur le seul compte de la récupération. Des éléments
comme le nationalisme étaient déjà présents
au cours même des journées émeutières.
En témoignent les nombreux drapeaux et l'hymne national
dans les manifestations. On peut également s'interroger
sur les implications du slogan unitaire Que se vayan todos ! (Qu'ils
se barrent tous !) : signifiait-il le rejet de la démocratie
représentative en tant que telle ou la simple révocation
de dirigeants notoirement corrompus et représentant des
intérêts étrangers ? Certes, on a alors
remis en cause des gouverneurs locaux et de nombreux édifices
publics ont été saccagés (tentative d'incendie
de la mairie de Cordoba et du Ministère de l'Economie à
Buenos Aires, attaque du Congrès, également dans
la capitale fédérale14), mais la logique électorale
s'est à nouveau très vite imposée. Dès
l'été 2002, le secrétaire général
de la CTA, Victor de Gennaro, s'est allié avec Luis Zamora,
leader d'extrême gauche et Elisa Carrio de l'ARI (Alliance
pour une République d'Egaux, parti de centre-gauche) pour
réclamer la tenue immédiate d'élections.
Cette mobilisation a bénéficié du soutien
de nombreuses organisations populaires, précisément
au nom du Que se vayan todos. La plupart des organisations piqueteras
se sont aussi lancées dans la partie électorale
et quatre d'entre elles se sont présentées aux dernières
élections de 2003. Le Partido Obrero était représenté
par deux leaders piqueteros du Polo Obrero (Jorge Altamira et
Eduardo Salas) avec pour programme la cessation du paiement
de la dette extérieure, la nationalisation des banques
et du commerce extérieur sous contrôle ouvrier, la
répartition des heures de travail et une hausse des salaires
pour revenir au niveau d'avant l'inflation ; le PCA et le
MST se trouvaient tous deux sur la liste Izquierda Unida15 par
le biais du MTL ou du MTV16 (avec la candidature à la députation
nationale de son coordinateur général Gustavo Gimenez).
D'autres groupes piqueteros se sont présentés en
leur nom propre, comme la FTV18 avec une liste de piqueteros
et ahoristas (chômeurs et épargnants
).
L'affluence de candidatures émanant du mouvement
social au nom du pragmatisme sinscrit dans la logique
de conquête du pouvoir ou de création dun contre-pouvoir
représentatif. Quant au taux de 80% de participation aux
dernières élections présidentielles, qui
est venu trancher fortement avec l'abstention croissante qui avait
caractérisé les scrutins précédents,
il a démenti la méfiance affichée à
l'encontre du système, de la politique et des politiciens
de tous bords. Les velléités de révolte et
de changement ont été ramenées dans le champ
légaliste et électoral, l'enjeu principal se résumant
à élire un péroniste de gauche
(en l'occurrence Nestor Kirchner19) plutôt qu'un Menem incarnant
avantageusement les forces du mal20. La politique a exprimé
ici ce quelle est essentiellement : une pratique misérable.
Enfin, si après
les 19/20 décembre 2001 de nombreux groupes ont choisi
de se rassembler de manière horizontale, marquant ainsi
leur refus de la hiérarchie et du système de représentation,
cela n'a pour autant pas profondément modifié leur
rapport à l'institution. Tout en dénonçant
l'Etat comme oppresseur et criminel, surtout après la répression
de l'année dernière, les Mères de la Place
de Mai font par exemple appel à lui pour exiger l'incarcération
des criminels de la dictature, les piqueteros lui réclament
l'attribution de plans de travail et les assemblées exigent
des tribunaux qu'ils résolvent les conflits qui les opposent
aux compagnies d'eau ou d'électricité (les petits
épargnants s'adressent depuis longtemps à la justice
dEtat pour récupérer leurs économies
en dollars). Quant aux travailleurEs des usines récupérées,
ils en sont bien souvent à revendiquer l'étatisation
sous contrôle ouvrier. Le mot d'ordre de renationalisation
de l'ensemble des services publics (eau, électricité,
transports...) qui s'est répandu comme une traînée
de poudre, évidemment relayé par l'extrême
gauche, est symptomatique des limites de ces mouvements de protestation
qui demeurent dans le cadre du système existant en demandant
à l'Etat d'en atténuer les effets, et dont l'ultime
utopie collective serait alors de rendre le capitalisme plus humain.
Ces revendications de régulation sont souvent le fait des
classes moyennes qui, lorsqu'elles ont subi à leur tour
la dégradation des conditions de travail (précarité,
flexibilisation, nécessité d'exercer plusieurs boulots
)
et de vie (dont le mode de consommation21), sont revenues des
bienfaits du libéralisme et du chacun pour soi.
Cela s'est traduit notamment par leur participation aux réseaux
de troc et par la volonté de restaurer des liens avec leurs
voisins dans le cadre des assemblées de quartier.
Mais, de même que les cacerolazos du 19 décembre
contre l'état de siège ont aussi correspondu à
une révolte citoyenne (exercice du droit de protestation),
les nouvelles formes d'entraide se sont souvent retrouvées
dans le cadre institutionnel. La plupart des reds de trueque (réseaux
de troc), bien quils existent depuis de nombreuses années
de manière plus ou moins informelle, se sont heurtés
en voulant sétendre à la difficulté
de mettre en relation des personnes ne disposant ni de niveaux
de vie équivalents ni des mêmes biens à échanger,
et n'ayant de toute façon pas les mêmes besoins.
Les biens de première nécessité très
demandés ont ainsi rapidement fait l'objet d'un véritable
marché noir et, finalement, les bourses d'échange
se sont institutionnalisés sous la forme d'un réseau
global22 fonctionnant comme un marché parallèle
disposant de sa monnaie spécifique, le credito.
Quant aux assemblées de voisins, elles se sont
constituées dès le départ sur des bases et
des préoccupations très différentes selon
les quartiers et leur composition sociale. Alors que certaines
se concentraient plutôt sur laspect culturel et les
débats politiques, d'autres ont consacré une large
partie de leurs activités aux bouffes populaires (notamment
dans les comedores infantils) essayant parfois de développer
des moyens d'autoproduction comme les jardins communautaires
ainsi qu'à l'obtention de médicaments ou de vêtements,
ou encore à des actions contre les hausses de tarifs et
les coupures d'eau, de gaz ou d'électricité. Si
cela a parfois donné lieu à des expropriations (de
médicaments dans des hôpitaux par exemple), les assemblées
se contentent dans leur grande majorité de gérer
l'existant, essayant d'améliorer l'ordinaire par des achats
groupés chez les producteurs, mendiant des biens par le
biais de collectes auprès des supermarchés ou adressant
des réclamations à l'Etat. De plus, comme les différentes
organisations et partis ont investi massivement les assemblées
qui s'étaient créées de manière spontanée
et les ont progressivement transformées en coquilles vides,
simples relais de leurs propres revendications, elles connaissent
aujourd'hui une forte désaffection ou ont parfois complètement
disparu (on n'en comptait plus qu'une quinzaine sur Buenos Aires
dès août 2002). Cet épuisement a été
aussi la conséquence d'une véritable politique de
tri de la part des autorités : le gouverneur de Buenos
Aires a par exemple invité les assemblées de quartier
à collaborer aux conseils de gestion et de participation
mis en place par la municipalité, sur le modèle
de la démocratie participative (et de l'intégration
sociale à la brésilienne dans les mairies du PT
de Lula), tout en expulsant les plus gênantes. Le mouvement
des assemblées qui reposait sur des liens récents,
peu profonds et souvent fragiles, semble à présent
survivre d'une manière totalement artificielle.
Enfin, le fait que de nombreux /ses participantEs aient trouvé
refuge dans un milieu associatif humanitaire (en plein
essor) qui reproduit les formes habituelles d'assistanat et de
contrôle social sur les plus pauvres, témoigne à
la fois de leurs aspirations gestionnaires et de l'interclassisme
vain du slogan piquets et casseroles forment une seule et
même lutte. Les médias se félicitent
de l'existence de ces palliatifs, certainEs parviennent à
se donner bonne conscience. Pourtant, malgré les appels
incantatoires de la Gauche au tous ensemble, la division
de classe réapparaît très clairement. Les
barrages routiers des piqueteros refont l'objet de critiques acerbes,
les petits commerçants de Plaza Once (quartier pas spécialement
bourgeois) multiplient les appels au gouverneur pour en chasser
les vendeurs ambulants, le moindre magasin est gardé par
des vigiles armés, les boîtes de sécurité
privée protègent toujours des quartiers résidentiels23.
Sur fond de campagnes contre l'insécurité, s'est
également renforcée la politique dite de la
main dure. Flics et gendarmes (qui travaillent à
présent main dans la main) font régulièrement
des descentes dans les quartiers populaires à risques,
recevant à l'occasion l'appui d'hélicoptères
et de groupes spéciaux d'intervention, et procèdent
à de nombreuses perquisitions et arrestations, ce qui ne
manque pas de provoquer une explosion de la population carcérale
dans les prisons et commissariats, sans compter les victimes quotidiennes
du gatillo facil (gâchette facile). A Buenos Aires, une
politique de nettoyage de la ville a été
mise en place par le gouverneur Ibarra24. Le 25 février
2003, le Padelai, immeuble squatté par des familles depuis
plus de 20 ans, s'est fait déloger malgré deux jours
d'affrontement avec les occupantEs et des habitantEs du quartier
; l'expulsion très rapide, le 23 mars, d'un bâtiment
que venaient de prendre des membres du MTD Anibal Veron a été
suivie, le 14 avril, par celle de Tierra Del Sur, tout un pâté
de maisons, dont une ancienne banque, occupé par quelques
familles, l'assemblée Lezama Sur et Indymedia Argentine.
Tout cela s'est passé dans la zone sud de la ville (quartiers
populaires de La Boca, San Telmo et Barracas) que convoite une
régie immobilière spécialement créée
pour se l'approprier.
Selon le scénario classique, les autorités jouent
donc la double carte de l'intégration et de la répression.
Les usines occupées
se trouvent elles aussi au cur de cette stratégie.
Non seulement elles ont à faire face aux menaces d'expulsion
(mises à exécution dans le cas de l'usine textile
Brukman25 de Buenos Aires le 18 avril 2003), mais elles se trouvent
surtout confrontées aux difficultés que pose l'autogestion
de la misère. Ces usines, environ 150, que leurs patrons
ont mises en faillite puis abandonnées pour ne pas avoir
à payer dettes et arriérés de salaires, ont
été occupées puis remises en marche par les
ouvrierEs qui voyaient là l'unique moyen de s'assurer un
revenu. La plupart du temps, ils /elles l'ont fait contre l'avis
des syndicats maison qu'ils ont éjectés,
et sans les cadres et les personnels administratifs, partis chercher
du boulot ailleurs. Ces récupérations
ont généralement donné lieu à une
réorganisation, mais le fonctionnement diffère selon
les usines : certaines ont décidé d'adopter le statut
légal de coopératives dont la gestion relève
d'un conseil d'administration, tandis que d'autres, comme Brukman
ou la Zanon, entreprise de céramique située à
Neuquen, créaient différentes commissions techniques
chargées d'appliquer les décisions prises en assemblée
générale (comme le fait que tous les employés
perçoivent le même salaire, soit 800 pesos par mois).
On a souvent insisté sur le fait que ces usines parviennent
à maintenir, voire à créer des emplois (parfois
de vigiles
), et surtout sur leur caractère autogestionnaire.
Mais si ces expériences communes ont indéniablement
créé des liens forts entre les personnes qui les
mènent, on peut toutefois s'interroger sur la nature et
les perspectives d'une telle autogestion. Outre le fait que ces
réappropriations des moyens de production n'ont pas eu
le caractère offensif qui consistait à en déposséder
le patron (puisqu'il est généralement parti de lui-même),
elles n'ont remis en cause ni la production elle-même (produire
quoi et pour qui ?), ni ses conditions (pénibilité
et dangerosité du travail, maintien des horaires
).
Quel sens peut donc avoir l'autogestion, surtout dans un système
capitaliste qui repose sur le salariat et l'exploitation et où
l'entreprise pour survivre doit nécessairement vendre ses
produits, c'est à dire être concurrentielle ?
Cette forme de repli sur des structures et des modèles
de production existant est à rapprocher des autres conflits
du travail qui, la plupart du temps, restent également
défensifs (fermeture, licenciements massifs,
26),
ponctuels et limités. Dans un contexte de dislocation du
prolétariat industriel, les grandes grèves sont
pour l'instant le fait d'employéEs d'Etat27, notamment
des personnels de santé et de l'éducation. En février
2003, les profs et instits ont par exemple refusé d'assurer
la rentrée sur la quasi-totalité du territoire,
pour réclamer une augmentation de salaires, le paiement
de leurs arriérés et le retrait de la nouvelle réforme
de l'éducation. Les retraitéEs28 continuent à
manifester pour le versement de leurs pensions, mais ils semblent
pour le moment avoir renoncé à l'action directe
au profit des traditionnels rassemblements hebdomadaires devant
le Congrès.
Le mouvement
piquetero n'échappe pas non plus à ces limites
et contradictions. Ce nom générique (qui fait référence
à la pratique apparue dès 1995 qui consiste à
couper les axes routiers pour empêcher la circulation des
marchandises, bloquer la production et paralyser l'économie29),
englobe aujourd'hui une multiplicité de groupes de chômeurs
et recouvre des formes d'organisation, des objectifs et des pratiques
très différentes. Alors que les premières
coordinations étaient directement issues des barrages (qui
regroupaient souvent des chômeurs et des salariéEs),
il existe à présent des structures fixes, certaines
formations n'étant que le prolongement de partis ou de
syndicats déjà existant. Les deux plus importantes
sont la FTV-UTD, émanation du syndicat CTA qui regrouperait
environ 40 % des piqueteros, et le Courant Classiste Combatif
(CCC), relais du parti maoïste PCR. On trouve ensuite le
Bloc Piquetero rassemblant différents courants de gauche
comme les trotskistes du PO, le MTR, les communistes du MTL ou
le MIPJ. Ces formations permettent aux partis et syndicats de
ratisser large et de s'assurer une plus grande représentativité.
Elles sont organisées sur le même modèle hiérarchique,
leaders et chefs se situant d'emblée dans le cadre du jeu
politique et médiatique. A la remorque des premiers mouvements
de blocage, doccupation et de pillage, qu'elles ont dans
un premier temps souvent condamnés, elles ont été
ensuite un moyen de récupérer et de contrôler
les luttes 30. Leurs piquets et cortèges se caractérisent
par le nombre, la discipline et la passivité des participantEs
que l'on trimballe comme force d'appoint, de manifs en démonstrations
de force (les femmes de la CTA ont défilé le 8 mars
2003 en portant toutes les mêmes T-shirts jaunes proclamant
Evita , la première piquetera !31). Dès
la fin 1999, la progression de ces organisations piqueteras s'est
accompagnée d'une diminution des piquets spontanés.
Les premiers piquets, qui visaient à obtenir de la nourriture32,
des soins médicaux gratuits ou l'arrêt des coupures
d'eau et d'électricité33 par des actions directes
et viraient souvent à l'émeute et aux pillages,
ont été remplacés par des barrages de routes
symboliques portant les revendications de travail authentique
(un vrai travail contre un vrai salaire) ou de plans de
travail et de chefs de famille, 150 pesos (soit
environ 300 francs) attribués par l'Etat ou la municipalité
contre 20 heures de travail par semaine. Depuis que les organisations
piqueteras ont obtenu le droit de gérer elles-mêmes
ces allocations, leur attribution est devenue un véritable
enjeu, non seulement face aux gouvernants, mais aussi entre les
divers groupes. La répartition a bénéficié
aux plus modérés et conciliants, et renforcé
la collaboration institutionnelle, notamment avec les gouvernements
provinciaux. Cette gestion a également favorisé
de nouvelles formes de clientélisme, qui viennent s'ajouter
dans les quartiers les plus pauvres à l'assistancialisme
péroniste34. La FTV et les CCC, qui gèrent près
de 70 % de ces plans, disposent ainsi d'un moyen de contrôle
efficace qu'elles utilisent comme carotte, tout comme
les punteros35 du PJ peuvent acheter des votes ou différents
services. Ces pratiques, qui rendent toujours plus difficile la
remise en cause de l'ensemble du système et la mise en
place de liens d'entraide solidaire, ont pour effet de renforcer
la résignation et le système de débrouille
individuelle. Les cartoner@s qui font les poubelles le soir
pour recycler ensuite papiers et cartons à vil prix
se retrouvent ainsi en concurrence pour des miettes avec les portiers
ou gérants de petits commerces qui font leur propre business,
et se disputent le contrôle des rues et quartiers. Le racisme
(contre les immigréEs sans papiers bolivienNes par exemple)
est une autre des manifestations de cette guerre classique entre
pauvres.
D'autres groupes essaient malgré tout de fonctionner différemment.
C'est le cas des MTD (Movimientos de Trabajos Desocupados), mouvements
de chômeurs qui constituent la Coordination Anibal Veron
(voir annexe I). Organisés localement et de manière
horizontale, les décisions étant prises en AG, ils
affirment leur volonté d'autonomie vis-à-vis des
partis, des syndicats et de l'Etat. Ils considèrent que
les plans de travail doivent être obtenus par la lutte et
utilisés collectivement (ils refusent par exemple souvent
d'effectuer les quatre heures de travail individuel à fournir
en échange de ces plans). Ces allocations doivent en outre
servir à construire et assurer l'autosubsistance des habitantEs
d'un quartier. Loin de reprendre à leur compte les revendications
de travail authentique (et donc exploité),
ces piquete@s ne fondent aucun espoir dans un retour à
l'usine et tentent de remettre en cause les fondements du salariat
(la vente de la force de travail). Les plans ne sont pas pour
eux une fin mais un moyen de créer les bases matérielles
de leur autonomie future (par le biais d'ateliers artisanaux,
de boulangeries, de potagers etc.). Leur obtention n'est donc
qu'un des aspects de la lutte puisqu'il s'agit de développer
de nouvelles formes de vie en commun, tout en dépassant
le cadre industriel et urbain. Ces groupes peuvent ainsi défendre
et pratiquer l'occupation illégale de terrains et sont
en relation avec les petits paysans du MOCASE36 dans le nord du
pays. Leur conception de la lutte apparaît notamment dans
les méthodes qu'ils utilisent, comme le fait d'assumer
la nécessaire violence liée à
l'autodéfense de leurs propres piquets (malgré les
critiques et dénonciations des autres organisations, ils
ont par exemple imposé la possibilité d'être
encapuchéEs, c'est à dire anonymes dans
le face à face avec la répression).
Malgré tout, les MTD semblent pour l'instant de ne pas
souhaiter approfondir les clivages au sein de l'arc piquetero
et faire rupture, au nom du front commun face à la répression
qui touche particulièrement leurs membres. Ils continuent
à participer à des actions communes (y compris pour
réclamer des subventions) et quelques uns de ces groupes
acceptent d'entrer dans le jeu médiatique en créant
des commissions médias ou en assurant l'accueil de touristes
militantEs (universitaires ou altermondialistes convaincuEs
venuEs étudier de près ces nouveaux sujets
révolutionnaires37). Enfin, les MTD reconnaissent
que leur manière de s'organiser n'évite pas les
formes d' adhésion passive et que le problème
de lutilisation des plans de travail subsiste : si lusage
quils en font diffère de celui des autres organisations,
il n'en implique pas moins une dépendance vis-à-vis
de l'Etat. Plus généralement, ce sont toutes les
limites dun rapport tactique à lEtat qui se
posent une fois encore. Par exemple, la coordination Anibal Veron
dans son ensemble vient le 30 octobre 2003 daccepter de
rencontrer le nouveau Président Kirchner qui a engagé
une politique de dialogue social avec les représentants
de la société civile, pour lui demander la
création dune commission denquête indépendante
sur lassassinat par les flics de deux piqueteros le 26 juin
2002. Elle a de plus appelé à la manifestation unitaire
du 4 novembre 2003 réclamant une prime de Noël,
la poursuite du système de plans de travail,
un plan logement et un fort investissement du gouvernement
dans les projets productifs (la ministre du développement
social, Alicia Kirchner, a dores et déjà prévu
de créer des centaines de coopératives pour employer
les piqueteros).
Cependant, toute cette intégration du mouvement social qui joue à plein en période de reflux, ne doit pas occulter les quelques luttes qui apparaissent ou perdurent en dehors de toutes structures. Car bien avant comme après les événements de décembre 2001, des individuEs se sont regroupés pour lutter directement contre ce qui les oppressait, squattant, expropriant, affrontant directement les exploiteurs et leurs chiens de garde38. L'explosion qui a eu lieu a suscité des rencontres, les émeutes de par leur ampleur et leur caractère incontrôlé ont été l'occasion de réaliser collectivement ce que le contrôle généralisé rend difficile au quotidien et en petit nombre. La rage a pris différentes formes, des destructions aux barricades, et la haine de la police a pu se concrétiser par des actions de solidarité contre les flics. Lhistoire de La Floresta (ville de la banlieue ouest de Buenos Aires) en est un exemple parmi dautres : dans la nuit du 28 au 29 décembre 2001, trois jeunes qui se trouvaient dans une station service ont vu à la télé un flic se faire tabasser par des manifestants au cours des affrontements devant le Congrès. Ils ont à leur tour exprimé bruyamment leur joie et toute leur approbation. C'est alors que le patron, un ancien flic à la retraite, a sorti son flingue et les a butés. Une violente émeute a éclaté le lendemain, les habitants de la ville tentant de prendre d'assaut le commissariat. Les affrontements ont duré toute la journée et la nuit suivante. Finalement le commissaire du quartier a été muté (quant au flic assassin, il a été condamné à perpétuité en mars 2003).
Il apparait en
Argentine comme ici que la seule présence de milliers de
personnes dans des manifestations et l'utilisation de la violence
comme en décembre 2001 nexpriment que peu aspirations
et perspectives. Une fois la fièvre retombée, continuent
à se poser l'antagonisme irréductible avec l'Etat
et les oppresseurs, le refus des médiations et du cadre
étroit auquel ils essaient de nous confiner, et la question
des moyens à nous donner pour assurer notre autonomie.
Si, dans un contexte de répression féroce où
les polices officielles et parallèles menacent et assassinent
quotidiennement, l'existence d'individuEs qui se sont organisés
pour se réapproprier leur existence avec les armes de lentraide
et de l'action directe tout en dépassant le cadre de la
survie quotidienne ne peut que nous enthousiasmer, il est aussi
clair pour nous quune des formes de solidarité les
plus fortes est de lutter là où chacunE se trouve
(dune part parce que nous subissons un même rapport
dexploitation et doppression, dautre part parce
que les structures et les hommes que nous combattons sont fortement
liés entre eux, quand ce ne sont pas les mêmes) et
que ce qui s'est passé en Argentine ne constitue qu'une
expérience que nous espérons ici partager. Quant
aux analyses et aux perspectives sur place, nous avons traduit
de lespagnol divers textes, classés par ordre chronologique,
qui se trouvent à la suite.
L
Notes :
-----------------
1.C'est à dire de la Capitale Fédérale et
sa grande banlieue. La province de Buenos Aires est par ailleurs
la plus importante dArgentine avec près de 13 millions
d'habitants sur un total de 36.
2.On peut notamment penser au Cordobazo (du nom de la ville de
Cordoba) et au Rosariazo (à Rosario) de 1969, ou encore
au Santiagueñazo (Santiago del Estero en 1993) et au Cutralcazo
(CutralCo en 1996). Pour plus de précision sur ce sujet,
se reporter aux brochures d'Echanges et mouvement ou de Mouvement
Communiste.
3.Les villas miserias sont les bidonvilles qui se sont développés
jusque dans le centre de Buenos Aires dès le début
du siècle.
4.Pour une chronologie des événements qui avaient
commencé bien avant les 19/20 décembre 2001, voir
la chronologie d'Echanges et mouvement.
5.Le Radical De La Rua avait été élu dans
le cadre d'une coalition (lAlliance) avec les sociaux-démocrates
du Frepaso.
6.On peut à ce propos distinguer le rôle des employéEs
d'Etat qui, subissant de plein fouet restrictions budgétaires,
paiements en "bons provinciaux " divers, voire coupures
de salaires et licenciements, ont souvent pris une part active
aux émeutes aux cotés des chômeurs dans différentes
villes de province.
7.Compagnie aérienne argentine
8.Quels connards, l'état de siège, qu'ils
se le foutent au cul ! Qu'ils se barrent tous !
9.Constitué fin 2001, le BNP rassemble différentes
organisations de " l'aile gauche " du mouvement piquetero,
notamment le PO (Polo Obrero, Pôle ouvrier, front
de masse du trotskiste Partido Obrero), le MTL (Mouvement
Territorial de Libération, lancé par le Parti Communiste
Argentin), le MTR (Mouvement Teresa Rodriguez), et la FTC (Fédération
des Travailleurs Combatifs, sous l'influence trotskiste du MAS,
Mouvement vers le socialisme).
10.Les consignes strictes du ministre de la justice et de la sécurité
étaient que les forces de sécurité coordonnent
leurs efforts pour éviter l'action de petits groupes désirant
commettre des débordements, mais sans interdire l'accès
à la place de Mai.
11.L'ordre jour de la dernière coordination nationale prévoyait
à la fois l'élaboration d'un plan de lutte mais
aussi celle d'un plan de gouvernement.
12.Ainsi, les assemblées et divers mouvements de chômeurs
ont-ils décidé de se mobiliser le 9 juillet, jour
de la fête nationale argentine, pour une seconde indépendance.
13.L'ALCA est le nom espagnol de la ZLEA (Zone de Libre Echange
des Amériques) que tentent de mettre en place les Etats-Unis
afin d'étendre la zone de libre-échange de l'ALENA
(Etats-Unis, Canada, Mexique) à l'ensemble de l'Amérique
Latine.
14.Les domiciles privés de figures politiques ont aussi
été attaqués en différents endroits.
15.Cette liste de la Gauche Unie, dirigée par Patricia
Walsh avait pour programme le non-paiement de la dette, la rupture
des relations avec le FMI, la nationalisation de tous les services
publics privatisés durant la décennie Menem et a
reçu le soutien de nombreux-ses assembléistes, piqueter@s
et travailleurEUSEs d'usines occupées.
16.Movimiento Teresa Vive
18.Le secrétaire général de la FTV, Luis
d'Elia, est d'ailleurs déjà député
dans la province de Buenos Aires et s'est toujours posé
en faveur du dialogue et de la participation au pouvoir, justifiant
: être à la législature de Buenos Aires
nous a par exemple servi à impulser des lois d'expropriation
et à freiner les expulsions.
19.Durant la campagne électorale et après son élection,
Kirchner a su profiter du contexte protestataire, promettant la
stabilisation des prix et du chômage, tout en se montrant
faussement ferme vis-à-vis du FMI (qu'il a dans un premier
temps refusé de rencontrer). Au gouvernement, il a multiplié
les mesures destinées à satisfaire le mouvement
social : changement des dirigeants de l'armée et
de la Cour Suprême, annulation des lois dites de point
final et obéissance due promulguées
en 1988 par Alfonsin et qui protégeaient des poursuites
les participantEs à la dictature militaire et à
ses exactions. Il s'est aussi opposé à la hausse
des tarifs du téléphone et de l'électricité
et vient d'annoncer le renflouement des caisses de retraites et
un plan Manos a la Obra : d'un montant de 1790 000 pesos, ce projet
destiné à créer 2000 emplois devrait être
géré par 17 organisations sociales dont la FTV,
les CCC, le Bloc Piquetero et Barrios de Pie.
20.C'est ainsi que les dirigeants de la CTA (et par conséquent
la FTV) et des CCC ont appelé à voter Kirchner pour
faire barrage à Menem.
21.Parfois, ce sont simplement les produits discountés
qui sont venus remplacer les marques, comme les séjours
en Patagonie prenaient la place des vacances à l'étranger.
22.Le siège se trouve à Bernalesa, premier club
créé en 1995 dans la banlieue populaire de Quilmes.
23.Depuis quelques temps déjà, on assiste aussi
au abords des grandes villes à la prolifération
de résidences privées conçues
en intégrant une sécurité maximale pour leurs
habitants.
24.Celui-là même qui avait déjà prévenu,
le 3 février 2003, lors de la journée d'action
des piqueteros, qu'il ne tolérerait pas que le trajet des
vacanciers soit perturbé et avait mobilisé d'impressionnants
effectifs policiers pour empêcher les barrages.
25.Le 31octobre 2003, le propriétaire de Bruckman a été
exproprié par vote de la mairie de Buenos Aires. Lusine
obtient donc le statut légal de coopérative.
26.Rappelons l'effondrement de l'industrie, notamment automobile
depuis les années 80.
27.Celles/ceux-ci sont depuis fort longtemps à l'initiative
de nombreuses agitations dans différentes provinces, notamment
en raison des fréquents retards dans le paiement de leurs
salaires (voire de leur suspension totale), mais sont aussi très
organiséEs dans l'ATE (Asociacion de Trabajadores del Estado)
au sein de la CTA, avec toutes les limites que cela suppose, dont
les journées nationales d'action.
28.Le système de retraites est d'ailleurs attaqué
de toutes parts : âge de la retraite repoussé pour
les femmes de 60 à 65 ans, baisse de 13 à 20% des
retraites des fonctionnaires
29.Notons au passage que ces piquets ont également donné
lieu à des réappropriations directes de marchandises.
30.La quatrième assemblée nationale piquetera (qui
s'est tenue les 4 et 5 avril 2003) a proposé comme plan
de lutte les revendications suivantes : Non au FMI, non
à l'ALCA, non au Mercosur. Pour l'unité socialiste
de l'Amérique Latine et pour un gouvernement des travailleurs
et du peuple.
31.Eva Peron (surnommée affectueusement Evita) fut la première
femme du leader populiste et s'est, selon l'imagerie populaire
vendue par le régime préoccupée du
sort des pauvres. Sa figure, très populaire, est
souvent utilisée par les péronistes.
32.Comme fin 1994/début 95 à Cutral Co (province
de Neuquen), où la principale route desservant la province
fut coupée pendant une semaine jusqu'à la distribution
de vivres.
33.Ce qui fut obtenu par exemple en juillet 1997 après
qu'en différents endroits, Cutral Co, Tartagal (province
de Salta), San Salvador de Jujuy, Cruz Del Eje (province de Cordoba),
des milliers de piqueteros aient bloqué les routes pendant
près de 45 jours.
34.Tout comme l'ensemble de la classe ouvrière, les descamisados
(sans chemises) ont été d'emblée intégrés
au sein du populisme péroniste. Aujourd'hui, les associations
de bidonvilles sont encore dirigées aux ¾ par des
militants du PJ. Dans le Grand Buenos Aires, ils organisent par
exemple 120 des 150 soupes populaires régulières.
35.Hommes de main des partis (essentiellement Radical ou Péroniste),
ils veillaient à l'origine à ce que leurs partisans
aillent effectivement voter les jours de scrutin, en fournissant
par exemple les moyens de transport. Aujourd'hui, ils continuent
de constituer une force de quadrillage social extrêmement
présente.
36.Mouvement de paysans De Santiago del Estero, province du Nord
de l'Argentine. La question de la concentration des terres s'y
pose, comme en de nombreux endroits de cet endroit considéré
comme le grenier du pays, où l'essentiel de
l'agriculture est destiné à l'exportation.
37.Citons à ce propos le Proyecto autonomista Argentina,
conçu par une Argentine se disant activiste antimondialisation
qui vit aux Etats-Unis. Elle organise des piquetero tours
de 10 à 15 jours, les usines ou groupes piqueteros étant
rétribués pour accueillir les dits visiteurs, argent
qui est censé servir à élaborer des projets
de centres de communication permettant d'avoir accès à
Internet, et ainsi à la résistance globale
!
38. Comme par exemple le Mouvement Anarchiste de Libération
Ouvrière (MALO), à Bariloche : [le MALO a
été] créé par un groupe dune
trentaine de jeunes issus dun bidonville qui survit grâce
au recyclage des ordures de la grande décharge qui la jouxte.
Le MALO semble exister depuis quatre ans, procède tous
les premiers Mai à des coupures de routes à lentrée
de la ville, participe activement à une sorte de mouvement
piquetero informel issu du bidonville, pratique en son sein blocages
de routes donnant lieu à des prélèvements
de taxes sur le transport de passagers et de marchandises.
Avec largent récolté, ils achètent
de la bouffe en gros pour le comedor populaire créé
pour alimenter des gaminEs du bidonville ou en refilent une partie
à la mère de lun dentre eux abattu par
la police il y a deux ans.
A loccasion de cet assassinat, ils ont détourné
des bus avec dautres habitantEs du bidonville et ils sont
descendus avec en centre ville où ils ont commencé
à ravager les vitrines des commerces.
Ils sont tous jeunes. Les plus vieux doivent avoir 21 ou 22 ans.
Il semble que ce soit eux qui soient tombés sur un peu
de propagande anarchiste. Après en avoir discuté
et cherché un peu plus dinfos sur le sujet, ils se
sont décidés à monter un groupe qui fut bientôt
rejoint par une partie des jeunes du bidonville. Le niveau politique
semble assez faible [sic] et marqué par une nette tendance
à lillégalisme. Une partie des jeunes du groupe
néchappe pas à la réalité de
leur milieu et ont des problèmes dalcool, de stupéfiant
[re-sic] et certains se dédient à des activités
de cambriolage dans les maisons des riches ou des classes moyennes.
Ils sont aussi connu pour avoir pillé un hangar appartenant
à léglise. Ce hangar situé près
du bidonville contenait du matériel de construction (ciment,
tôles, briques, planches etc...) destiné aux oeuvres
de charité et du matériel du même type stocké
là par un entrepreneur privé. Le pillage, réalisé
par la majeure partie de la population du quartier, a donné
lieu à un affrontement de plusieurs heures avec la police
qui a finalement été obligée de se retirer.
Le hangar est depuis entre les mains du MALO.
Le comedor du quartier a été attaqué en plein
jour par des junkies vraisemblablement recrutés par les
politiciens locaux pour intimider les gens du quartier. Des coups
de feu ont été tirés sur la cantine où
les femmes et enfants préparaient la bouffe. Certains jeunes
du MALO se sont depuis procurés des armés pour leur
auto-défense et celle du comedor. (extrait de larticle
Un aperçu du mouvement anarchiste argentin
publié le 18 juin 2003 sur a-infos par le SIA).