Le texte ci-dessous a été rédigé
par des communistes des conseils américains. Ils répondent
ici à un appel lancé par des anarchistes avant les
manifestations de Washington du 15 au 17 avril 2000 en vue de
constituer un bloc anti-capitaliste révolutionnaire. Chacun
se rassemblant tout en conservant ses propres bases, il y a notamment
des points de convergence qui se dessinent, quil sagisse
de refuser les bureaucrates (syndicats, ONG) et les réformes
des institutions préconisées par les associations
citoyennes. Ainsi, lopposition aux FMI/OMC/Banque Mondiale
ne peut que se fonder sur des bases de classe. Explications.
Appui
à lappel pour un bloc anti-capitaliste révolutionnaire
Récemment, un certain nombre de groupes anarchistes ont
lancé un appel pour la constitution dun Bloc anti-capitaliste
révolutionnaire en vue des manifestations contre le FMI
à Washington DC. Pour ne pas se limiter à former
un «black bloc» anarchiste, ces militants ont étendu
leur appel aux autonomes, aux libertaires anti-autoritaires, aux
marxistes, aux anarcho-syndicalistes et aux communistes-conseillistes
pour former un front commun, organisés séparément,
mais agissant de concert en tant que pôle révolutionnaire
et anti-capitaliste au sein du large mouvement contre la «
mondialisation ». Adhérant aux idées et perspectives
politiques du communisme conseilliste, les publications Collective
Action Notes, Red and Black Notes et The Bad Days Will End souscrivent
à lappel lancé par nos amis anarchistes. Nous
faisons cela non pas en tant que représentants dorganisations
participantes, et encore moins en tant que «leaders»
daucune sorte, mais plutôt en tant quindividus
représentant des publications de modeste diffusion.
Les actions de Washington (appelées A16) ont lintention
de construire une suite aux manifestations qui se sont déroulées
à Seattle lannée dernière contre le
sommet de lOrganisation Mondiale du Commerce. Dans le prolongement
dune résistance croissante à la «mondialisation»
et contre les institutions financières internationales
telles que lOMC, le FMI et la Banque Mondiale, certains
veulent mettre en avant lémergence dun «nouveau
mouvement» et même un « nouvel anti-capitalisme
». Ces déclarations montrent sans doute que la mondialisation
nest pas lavenir inévitable que les patrons
capitalistes et les bureaucrates semblent nous proposer. Mais
le « nouvel anti-capitalisme » qui sest exprimé
à Seattle était un mélange contenant, semble-t-il,
une bonne part de la vieille tendance réformiste portée
par la bureaucratie de lAFL-CIO, le Sierra Club, la National
Lawyers Guid (groupe davocats), Ralph Nader et sa
clique, et autres ONG. Ces groupes ne voient le mouvement anti-mondialisation
que comme un moyen de pression pour que lEtat capitaliste
limite le pouvoir des institutions financières internationales
et remplace le « commerce libre » par le « commerce
équitable ». Cette perspective réformiste
est associée à un protectionnisme nationaliste détestable
là où nous aurions besoin dune large solidarité
internationale. Des tensions sont apparues entre les réformistes
et les radicaux à Seattle, où les « gardiens
de la paix sociale » ont volontairement agi comme des auxiliaires
de lEtat en soutenant les flics dans leur travail de répression
des radicaux. Au moment où le mouvement prépare
les journées de Washington, une clarification politique
simpose.
Parmi les questions qui se posent, celle posée par lappel
dun Bloc anti-capitaliste révolutionnaire soriente
vers loption de la lutte des classes plutôt que vers
celle du réformisme. Lappel déclare que le
message réformiste contenu dans le slogan «un commerce
équitable, pas de commerce libéral» et lappel
à un «contrôle des instituions financières
internationales» nest pas acceptable. Lappel
rejette la thèse qui affirme quune seule voie est
possible et opte à linverse pour une critique du
capitalisme qui se veut totale. Lappel soppose azu
protectionnisme et au nationalisme qui semble gangrener une bonne
partie du mouvement anti-mondialisation, prônant ainsi la
disparition des nations. Cet appel soppose totalement au
mouvement de ceux qui se nomment «pacifistes» et insiste
sur le droit de groupes et dindividus à sorganiser
et agir au sein du large mouvement contre la mondialisation. Il
sagit de montrer en quoi tout ceci nest pas seulement
juste mais surtout nécessaire.
Cet appel des anarchistes na pas pour vocation de «diviser»
le mouvement. Cest un appel pour renforcer un pôle
politique concret au sein du mouvement anti-mondialisation. Ce
pôle politique affirme que pour être contre la mondialisation,
il faut aussi être contre le capitalisme, lEtat et
la nation. Cette opposition nécessite une perspective prolétaire
: être en faveur de la classe ouvrière et la possibilité
pour celle-ci de sorganiser de façon autonome et
révolutionnaire au sein de conseils ouvriers.
Cette idée nest pas un relent de la vieille gauche
ou du dogme léniniste dans lesquels le prolétariat
des usines, organisé au sein de syndicats, serait le sujet
«réel» de lhistoire. La mondialisation
elle-même a entraîné une désindustrialisation
de larges pans de la main duvre américaine.
En même temps, le capitalisme sous sa forme moderne, a transformé
la société en une « usine sociale »
dans laquelle nous sommes tous des travailleurs. Comme lécrit
le journal anglais Aufheben dans un éditorial récent
au sujet des manifestations du 18 juin à Londres : «
si nous combattons le capital, alors nous devons nous considérer
nous-mêmes comme le prolétariat ».
A travers cette union entre la classe ouvrière et son essence,
nous construisons ainsi la base dune véritable unité
internationale, qui posera un jour les fondements de labolition
du capitalisme, du salariat et du travail en lui-même. Cest
en ayant cette perspective à lesprit que nous soutenons
lappel pour un bloc anti-capitaliste révolutionnaire.
mars 2000
Curtis Price, Collective action notes / Neil Fettes, Red
and black notes / Ed Caldwell, The bad days will end
[Texte traduit de langlais et publié dans Cette
Semaine n°80, mai/juin 2000, p 16]