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Dans le marécage,
limites et perspectives de la répression anti-anarchiste"
éd. La conjuration des Ego, juin 2000, 50 pages
D'UN INDESIRABLE AUX AUTRES
LE 6 OCTOBRE LA POLICE m'a signifié le décret d'extradition
que Jospin et sa digne compère Guigou viennent de signer
contre moi. Le gouvernement français a ainsi entériné
l'avis favorable émis il y a deux ans par la chambre d'accusation
de Paris.
L'Etat italien me réclame pour « promotion, constitution,
organisation et participation à une association de malfaiteurs
ayant pour but de bouleverser par la violence les institutions
de l'Etat et troubler l'ordre démocratique, détention
et port illégaux d'armes à feu, munitions et explosifs,
réception, achat et recel d'armes, de munitions et divers
documents et objets » . Ces accusations ont été
portées dans le cadre d'un procès, toujours en cours,
contre moi et plusieurs dizaines de compagnons anarchistes. Un
mandat d'arrêt m'avait incité à m'éloigner
d'Italie. Plusieurs mois plus tard la malchance a voulu qu'on
m'arrête à Paris. Ni ressortissant, ni exilé,
ni réfugié politique, j'étais un recherché
en cavale, un clandestin comme les autres.
Après onze mois de prison, malgré un avis favorable
à mon extradition, j'étais à nouveau dehors,
parce qu'entre-temps les compagnons avaient été
relâchés en Italie suite à un grossier vice
de forme (dans leur hâte de nous liquider - avec le prétexte,
sans originalité, d'une « bande armée »
inexistante et l'aide, pas nouvelle mais toujours infâme,
d'une fausse « repentie » - le juge Marini et ses
valets avaient oublié quelques procédures). La solidarité
que plusieurs camarades français me manifestèrent
pendant mon incarcération, me permit, une fois sorti, de
participer à des initiatives de lutte sur différents
thèmes. Paris vaut bien une arrestation...
Un an plus tard, toujours pas de décret d'extradition.
Mon contrôle judiciaire prend fin, tandis que la situation
a l'air de demeurer « suspendue » (depuis longtemps,
l'attitude du gouvernement est celle de ne pas signer de décrets
contre les recherchés italiens avec des inculpations similaires).
Mais les accords de Schengen en décident autrement - et
les « socialistes » au pouvoir en finissent avec leur
pantomime droits-de-l'hommiste (qui ne les a pourtant jamais empêchés
d'expulser les sans-papiers ni de bannir tous les autres indésirables
de l'Etat et du marché).
Une fois rejeté mon dernier recours, je serai l'un de ces
nombreux indésirables de l'Europe des marchandises et des
fichiers de police.
Pour moi, c'est la prison; pour d'autres, c'est le voyage vers
une misère sans retour. Mais il s'agit toujours de colonies
internes où l'on enferme les étrangers à
la « communauté » de l'argent et de l'autorité.
Prison ou expulsion : deux mesures pour se débarrasser
de tous ceux qui ne servent pas à l'Economie ou qui gênent
l'Etat. Dans cette Internationale de l'exploitation et de la surveillance
généralisée, la répression de toute
dissidence s'unit à un contrôle social chaque jour
plus technologique et à une normalisation des comportements
qui fait de la Loi un réflexe conditionné. C'est
pourquoi les « hors-la-loi » se font de plus en plus
visibles aux yeux des flics. C'est pourquoi la solidarité,
ce lien qui se fiche souverainement du code pénal, ne peut
pas respecter les frontières sociales, aujourd'hui moins
que jamais.
Pour ceux qui pensent (pour leur propre liberté comme pour celle de tous les irréguliers présents ou à venir) que cette extradition ne doit pas se faire, ou du moins pas en toute tranquillité - voici donc un angle d'attaque possible : opposer l'Europe des indésirables à l'Europe des Codes et des décrets. Pour la liberté d'aller partout. Pour ne plus accepter de frontières territoriales ni légales, avec leurs « citoyens » et leurs « étrangers», leurs « réguliers » et leurs « clandestins », leurs « innocents » et leurs « coupables » . Face à ce monde, nous sommes tous des étrangers, des irréguliers, des clandestins, des coupables, des bannis, des bandits.
Autour d'un thème aussi important que vaste, chacun
pourra trouver ses objectifs ainsi que ses complices. Par quels
moyens ?
Comme le disait Joseph Déjacque, avec le bras et le cur,
la parole et la plume, le poi guard et le fi+sil, l'ironie et
le blasphème, le vol, l'empoisonnement et l'incendie...
Paris, le 22 octobre 1999
Massimo Passamani
Incontrôlables
Voilà les magistrats qui s'exhibent en faisant des jeux
de manches...
Qui donnent des ordres et envoient leurs troupes un uniforme et
ferraille envahir nos demeures, à la recherche de preuves
pour nous incarcérer...
Les voici qui posent devant les projecteurs pour expliquer leur
démarche, susciter l'approbation et apporter la dernière
touche à leur « oeuvre », comme dans le cas
du substitut-procureur de Rome : Antonio Marini.
Mais que cherchent-ils donc ?
Ils affirment être à la recherche d'éléments
pour prouver l'existence d'une bande armée. C'est pour
cela qu'ils ont arrêté des dizaines d'anarchistes
en Italie. Une bande armée ?
C'est trop pauvre pour contenir toutes nos aspirations démesurées,
trop exiguës pour nos irrésistibles élans de
révolte... Ceux qui s'insurgent contre leur propre oppression
et contre celle d'autrui n'ont besoin ni de chefs, ni d'organigrammes,
ni de cages à substituer à ceux de cette société.
L'insoumis qui se rebelle quotidiennement est déraisonnable.
Il n'adhère pas au bon sens commun. C'est pourquoi il provoque
toujours la méfiance et l'inquiétude. En revanche,
celui qui renonce à se révolter peut vivre tranquille
: si un quelconque instinct le pousse à un élan
passionnel, sa raison le convainc de ne pas s'abandonner à
un tel débordement...
Aussi, ceux qui veulent vivre intensément leur liberté
et la savourer pleinement se trouvent toujours confrontés
à un uniforme prêt à le leur interdire. Qu'importe,
puisqu'ils pourront aussi créer une complicité passionnée
autour d'eux.
Voilà Antonio Marini qui s'exhibe et fait des jeux de manches
!
Il n'imagine pas ce que son action provoquera. Il ne reconnaît
que les esprits serviles qui lui ressemblent et ne se doute pas
que ceux qui n'ont pas peur de l'inconnu sont libres de choisir
les instruments qu'ils préfèrent, selon les circonstances
et les attitudes individuelles. Sans limites.
Des anarchistes
(Texte de l'affiche diffusée dans toute l'Italie quelques jours après les arrestations en 1996)